Une histoire de récit de vie

Il y a quelques jours, j'ai reçu par La Poste un ouvrage rédigé par mes soins en 2022 et sur l'histoire duquel j'avais envie de revenir, car il s'agit là de mon tout premier récit de vie.

À l'époque, engagée dans le cursus universitaire pour devenir écrivaine public, j'avais la possibilité de réaliser une partie des 420 heures obligatoires de stage en rédigeant l'histoire d'une personne.

Particulièrement enthousiaste à l'idée de découvrir cet exercice inédit, j'avais eu la chance de trouver en Mme G, une biographée disposée à me raconter sa vie. L’idée de coucher sur papier ce qu'elle avait vécu l’amusait beaucoup et, même si ses souvenirs lui échappaient parfois, elle appréciait de pouvoir en laisser une trace, même incomplète, à ses enfants. Elle m'avait confié que cela lui permettait également de panser son regret de ne pas avoir tenu de journal intime quand elle était jeune.

Je me souviens avoir mené une quinzaine d'heures d'entretiens avec Mme G au cours desquelles elle m'avait confié ses souvenirs d'enfance et de jeunesse comme autant de témoins d'une époque aujourd'hui révolue. Après chacun de nos rendez-vous, j'écoutais les enregistrements de nos entretiens en prenant soin d'en transcrire le moindre mot. Je choyais les expressions de langage, les hésitations et les silences comme autant de trésors qui me permettraient par la suite de "faire parler" Mme G lors de la mise en mots du récit.

La rédaction fut un véritable plaisir à réaliser. La relecture des transcriptions m'avait permis de dégager une logique dans le récit qui s'était naturellement organisé en différents thèmes. Chacun des souvenirs confiés par Mme G avait trouvé sa place au sein d'un tout cohérent et passionnant. Cent cinquante heures de transcription, de rédaction, de multiples relectures et corrections et de mise en page plus tard, j'avais pu délivrer un récit agrémenté de nombreuses photographies, conforme aux attentes de la principale intéressée.

Ce travail intervenant dans un cadre universitaire, il avait été initialement convenu que l'ouvrage serait délivré à Mme G sous la forme d'un simple fichier informatique, à charge pour elle de le faire imprimer ultérieurement, si elle le souhaitait. Et c'est aujourd'hui chose faite ! En effet, il y a quelques semaines, Mme G et moi nous sommes retrouvées pour finaliser cette ultime étape : choix du format de l'ouvrage, du type de reliure et du design de la couverture, recherche d'un titre et tri des photographies et de l'extrait de texte qui viendraient illustrer l'ensemble.

Cette première expérience de rédaction d'un récit de vie m'a beaucoup touchée. Je me suis plongée dans cette vie qui, bien que n'étant pas la mienne, me ramenait sans cesse, par la similarité de nos âges, à ma propre enfance et ma propre adolescence. J'ai réalisé tout ce que pouvait représenter un tel exercice dans la transmission de la mémoire familiale. Raconter sa vie nécessite de prendre du recul sur ce que l'on a vécu, de porter un regard plus objectif sur son passé pour mieux le comprendre et l'accepter. Cela permet également d'éclairer nos enfants sur qui nous sommes et pourquoi nos valeurs, nos convictions et nos passions, sont les nôtres.

J'ai également pris conscience que les paroles s'envolent. Mon père m'a souvent raconté sa jeunesse. Pourtant, une bonne partie de ces récits a déjà quitté ma mémoire, ne laissant qu'une vague trace des évènements qu'il a vécus dans la France d'après-guerre. Lire ses parents, c'est découvrir une histoire qui est aussi la nôtre.

Je remercie infiniment Mme G de m'avoir fait confiance dans ce projet qui était, à l'époque, totalement inédit pour moi.